Julie Stanton
Autour de « Nos lendemains de feu »
(à paraître en mai)
Tout le propos se déroule autour de l’état de la planète. En fait, ce livre pourrait aussi s’intituler «Regards croisés sur la planète» car, au fil de l’écriture, l’idée a germé de faire entendre aussi la voix des jeunes générations. Donc, nostalgie, tristesse, culpabilité de l’aînée face aux dévastations. Rébellion et espérance rageuse des enfants de ses enfants.
Ce livre est né en 2018 devant un coucher de soleil à l’Isle-aux-Grues, lieu d’intériorité et d’inspiration pour moi durant deux décennies. Alors que je terminais de peaufiner L’ultime lettre d’amour qui paraîtra l’année suivante, je m’étais dit que je m’accorderais une période sabbatique pour lire et me ressourcer. Ce que j’ai fait jusqu’à ce troublant coucher de soleil, c’est-à-dire quelques jours! Car ce qui a alors émergé n’a cessé de m’habiter, de me hanter, de me propulser au cœur d’une réflexion dont je ne soupçonnais pas qu’elle soit à ce point prégnante, moi qui ai vécu la majeure partie de mon existence où la pérennité de la Terre était un postulat. De retour à l’écran d’ordinateur, mon émotion s’est ainsi traduite :
Au crépuscule
la lente dégradation du bleu à cheval sur l’or et le rose t’a atteinte de plein fouet. Nuage après nuage, tu as cru à l’impérissable.
Le ciel floconneux
Ce clair-obscur
Les galaxies à la pointe de tes cils
Tant de fluidité pour tant de gravité
Le soir s’égrenait en éternité. Âme à nue dans l’opalescence de la plage, tu cherchais le meilleur angle pour accueillir le vertige.
***
J’avais trouvé le ton et la forme pour dire ce qui m’habite en ces temps si troubles de la planète. Nos lendemains de feu venait de naître. J’ai donc conçu le projet d’écrire une suite poétique dans laquelle la narratrice se convoque au banc des accusés face à la Terre qui plie les genoux. Il ne s’agissait pas de dénoncer chaque aspect du délabrement de l’environnement, mais de poser un regard aiguisé sur la suite du monde.
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J’ai donc divisé mon livre en deux parties. D’abord, Les Paradis perdus où la narratrice voyage entre le profane et le sacré. Puis Résistants de l’ombre où, avec le « nous » de la rébellion, je donne la parole aux jeunes générations revendiquant dans leur propre vocabulaire un monde meilleur.
Votre vieux monde nous vous le laissons nous en inventerons un nouveau ça devrait changer d’allure redevenir d’une grande beauté après que nous aurons semé la pagaille ici là partout pour donner libre cours à l’espérance rageuse le futur aura le cran de notre jeunesse en herbe entendez-vous dans vos tours d’ivoire claquer les sabots virtuels de nos chevaux de bataille on jurerait qu’ils sont vrais tous au galop tous à la charge.
L’innovation pour moi a été d’utiliser pour la première fois un style sans aucune ponctuation dans la section consacrée aux jeunes. Un défi tout aussi complexe que stimulant. Dans chacun de mes livres, j’effectue toujours une large recherche pour nourrir mon propos, celui-ci se présentant presque toujours sous la forme d’une suite autour d’un seul sujet. Cette fois, j’ai compté après-coup pas moins d’une dizaine de pages avec une multitude de liens, dont d’innombrables pour saisir la réalité des jeunes (c’était avant les confinements) : vocabulaire, vêtements, musiques, aspirations, sujets de rébellion, etc. Même si le livre concerne l’état de la planète, il n’était pas question qu’on y retrouve Greta Thunberg ni le mot pandémie !
En fait, je parlerais pour moi, non pas d’une anecdote, mais d’un état douloureux puisque mon Amour se battait avec un cancer qui l’a finalement emporté. Quand il reposait, et que j’entendais son souffle paisible, j’ouvrais l’ordinateur pour jeter quelques mots, quelques lignes sur le manuscrit en voie d’achèvement. Le lendemain, en lisant ces lignes, il était si heureux de constater que je poursuivais. Lui qui m’a toujours accompagnée dans ma démarche créatrice l’a fait jusqu’à son dernier souffle alors que, quelques heures avant son départ, il a émis le vœu que je poursuive notre histoire dans l’écriture. J’ai promis…