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Pierre Chatillon

Autour de « Un voyage d’hiver »

1. Quels sont les principaux thèmes au cœur de ce recueil ?

La violence du monde actuel, l’apprivoisement de l’hiver et l’accession à la sérénité.

2. Quelles sont les particularités de votre recueil ?

Il s’ouvre sur des poèmes d’inspiration très actuelle puisqu’il s’agit d’actes de terrorisme. Il entre ensuite dans un registre très différent où les poèmes sont des méditations sur l’hiver. Et il se termine sur l’évocation d’une sorte d’épanouissement du cœur, pour ne pas dire d’accession à un éternel printemps. Cette section se compose de poèmes lumineux atteignant une sérénité à laquelle j’avais toujours rêvé. Une béatitude où s’apaisent toutes les angoisses, où se résolvent toutes les quêtes, une félicité qui répond à toutes les grandes interrogations. Un apprivoisement de l’au-delà.

3. En quoi ce livre est-il essentiel ?

Aucun livre n’est essentiel, mais il peut être très important. C’est le cas pour celui-ci puisque j’écris depuis 68 ans. D’abord je suis heureux de composer encore avec abondance à l’âge de 81 ans. Et puis, comme chaque recueil illustre un moment de mon évolution, il est évident que le ton change. L’entrée dans ce que j’appelle le grand âge s’accompagne d’un regard sur l’ensemble de notre vie. L’approche de la mort peut engendrer de grandes terreurs, la maladie peut devenir un sujet obsédant. Or, en ce qui me concerne, mes poèmes révèlent l’accession à une sérénité inespérée, surtout si on connaît mes antécédents de grand révolté.

4. Qu’est-ce qui a inspiré l’écriture des poèmes ?

Pendant une vingtaine d’années, j’ai eu le privilège de m’évader sur l’île d’Anna Maria, en Floride, où j’ai créé avec bonheur et abondance poésie et musique. J’aurais aimé y demeurer mais j’ai dû revenir et affronter, depuis deux ans, la rigueur de l’hiver. C’est de cette réalité qu’est né mon recueil. Et une grande question s’y pose : l’hiver peut-il inspirer des poèmes? «Comment écrire / avec des mots de verglas / des blocs de mots durcis / morts de froid? / comment épanouir / le sourire d’un poème solaire / sans l’alphabet des fleurs d’été».

5. Suggérez-nous un extrait illustrant l’une ou l’autre de vos réponses.

Voici un poème représentatif :

De la mort de toutes les fleurs
émane tel un parfum blanc
l’éblouissante pureté
de la neige
mais faut-il vraiment que meurent
toutes les couleurs

pour que règne à l’infini

la splendeur de cette lumière glacée

dont l’éclat nie la vie?

6. Contez-nous une anecdote concernant l’écriture de votre recueil.

Écrire ce recueil m’a ramené cinquante ans en arrière, à l’époque douloureuse où je composais Le mangeur de neige. J’espérais ne jamais effectuer un retour à cette période de ma vie. J’avais banni l’hiver de mon vocabulaire. J’étais devenu le poète solaire que j’avais toujours rêvé d’être. L’hiver était jadis pour moi une agression des puissances de mort. Toute vie, toute sensualité disparaissant pendant ces longs mois.

Après Le mangeur de neige, pour célébrer ma victoire, j’avais écrit ce grand hymne au soleil et à l’amour qu’est La mort rousse. Et je m’étais bien promis de ne jamais revenir en arrière. 

Mais le destin me force à affronter de nouveau la mort blanche. Privé de l’inspiration que me procuraient les fleurs, les oiseaux, les parfums, les couleurs, la mer et le soleil du Sud, il me faut redécouvrir une écriture adaptée à cette situation si je ne veux pas cesser de créer. C’est ce projet que j’ai tenté de réaliser. Faut-il parler d’une réconciliation? Peut-être.

Quant au titre, c’est une façon de signaler mon amour pour la musique de Franz Schubert. Musique qui m’a accompagné toute ma vie. Et cette référence aux Winterreise convenait parfaitement au voyage que j’effectuais pour traverser la saison blanche.