Julie Stanton
Autour de « L’ultime lettre d’amour »
Ce livre est né après que mon amoureux m’a confié une nuit avoir reçu un diagnostic de cancer, un an auparavant, mais qu’il n’avait pas voulu m’en faire part pour ne pas me perturber dans mon écriture et que de toute façon on lui avait confirmé une bonne espérance de vie. Deux jours plus tard, à l’aurore, j’écrivais : Pose l’oreille / sur ma tombe / ô mon amour de peu de foi / tu entendras / malgré la stridulation / des cigales / mon pouls / battre le siècle.
C’était il y a cinq ans. Ce cancer dort…
Et voilà. Le ton était donné. Mystère de l’inspiration. Je me suis alors retrouvée dans l‘univers de l’au-delà. La narratrice qui est morte invite son amant à la suivre dans un Pays de lumière où elle voyage dans les abysses, surplombe les volcans et les glaciers, côtoyant la beauté et le merveilleux. Après Mémorial pour Geneviève et autres tombeaux, paru en 2013, dans lequel une mère cherche sa fille dans un au-delà douloureux, j’ai voulu cette fois évoquer un Pays des morts lumineux ─ que je nomme ICI ─, la possibilité d’un ailleurs où tous les sens sont décuplés sous l’enchantement des lieux et des esprits bienveillants. J’ai voulu imaginer que cet ailleurs puisse exister, le décrire et l’exalter en donnant voix à l’amoureuse défunte suppliant l’amant de franchir ses doutes, d’aller au-delà de l’énigmatique et des apparences et de la rejoindre pour l’éternité.
Donc ; l’amour et l’érotisme, le fabuleux, la mort et la renaissance. L’espérance.
Glisse-toi / le long de mes hanches / pour m’embraser / à profusion. / Viens ô viens me rejoindre / sur-le-champ, cher ange / de la Miséricorde.
J’ai intégré dans mon texte les figures de Tristan et d’Iseut, d’Héloïse et d’Abélard, ces amants célèbres et célébrés, entrelaçant les épisodes de leur vie à ceux de la narratrice et son amant.
Une autre des particularités de ce livre est l’insertion dans chaque page de gauche d’une ligne tirée de l’œuvre de poètes, d’écrivains et d’écrivaines qui alimentent mon écriture. J’ai presque toujours utilisé ce procédé de l’intertexte dans mes livres de poésie, mais pas à une aussi grande échelle. Des lecteurs et lectrices m’ont dit avoir apprécié car ça leur donnait une ouverture sur les œuvres citées en référence.
Dans le but de vérifier les infos par rapport aux abysses, et tous les poissons que j’évoque, j’ai effectué plusieurs recherches qui m’ont finalement amenée à joindre Paul Boissinot, officier de plongée à l’Aquarium du Québec, qui a accepté de valider les quelques pages que je lui ai soumises. Après m’avoir précisé certains éléments, il m’a écrit que « c’était merveilleux d’avoir fait référence à l’érotisme sous l’eau ! »
Pour moi, oui. L’ultime lettre d’amour demeure une fiction, si je puis dire, mais bizarrement et douloureusement, l’année suivant sa parution, un deuxième cancer, plus féroce cette fois, a fait son apparition chez mon amoureux. De fictionnel à prémonitoire, mon titre m’a alors profondément troublée…
Depuis, la Mort est passée. Demeure l’espérance…