Maxime Cayer
Autour de « Les amours industrielles »
La violence, la brutalité, la colère, la mélancolie, la nostalgie, la tristesse, la dépression, la dégradation intérieure ; bref toutes ces émotions brutes liées aux échecs et au deuil des sentiments amoureux issus de passions venimeuses, toxiques. Ça parle aussi de béton, de dissection, de fin du monde, d’autoroutes, de figures mythologiques, de littérature, de peinture, de crimes et d’assassins.
Je crois que la forme, des blocs de textes, apporte au côté coup de poing des poèmes, qu’elle en accentue la violence. C’est un aspect dont je suis plutôt fier car il m’aura fallu des années pour en arriver à ce résultat, à force d’essais et d’erreurs, le texte original étant tout de même assez éloigné de la version finale. Un des aspects que j’aime bien aussi de ce recueil sont les titres des poèmes, à l’époque les titres me venaient souvent bien avant l’écriture même du poème, parfois des mois. Je notais des titres potentiels dans mon carnet et puis quand j’écrivais un poème je savais presque instinctivement quel titre de ma banque lui irait.
Je ne peux pas répondre à cette question ; pour moi c’est un livre essentiel, personnellement et artistiquement parlant. Ce sont mes premiers pas en poésie qui ont à mes yeux une certaine valeur artistique. De plus j’y ai mis beaucoup de moi, certains éléments sortent directement de mes profondeurs, parfois même des choses dont je ne suis pas fier du tout. Ce recueil est donc essentiel pour moi, mais pour les autres je ne saurais le dire.
Les poèmes constituant Les amours industrielles et ceux de Les baleiniers feront naufrage sont très représentatifs d’une période trouble de ma vie, fortement inspirés de quelques relations amoureuses ne s’étant pas très bien terminées. De ces échecs et de mes erreurs. J’ai été pendant trop longtemps toujours en colère, plein de fougue haineuse et d’émotions vives, intenses. Les amours industrielles en particulier sont le témoin d’émotions violentes, destructrices. J’aime encore ces poèmes mais jamais je ne veux revivre de tels sentiments.
« chaque fois que nous commettons nos coïts je ne peux m’empêcher de regarder ces failles visions inquiétantes fossettes débordantes cadavres d’amour-propre cette boucherie incohérente me pourfend à l’impasse coins de murs disjoints les fentes béantes pesticides d’écorchées à souhait ces draps si beaux imbibés d’éther je t’arrache les uniformes à même les rivages de suie n’en garde que des souvenirs de laboratoire comme plaques commémoratives » extrait du poème Congrès de nécrophilie à Boston, Massachusetts dans Les amours industrielles
J’ai commencé l’écriture de ces poèmes en 2012, il y a maintenant huit ans. Par intermittences, je n’ai jamais cessé de les retravailler jusqu’en 2019. Ils ont beaucoup changés, particulièrement la forme, ce sont maintenant pour la plupart des blocs de textes sans espace ; alors qu’initialement je mettais des blancs partout un peu à la manière de Stéphane Mallarmé dans Un coup de dés jamais n’abolira le hasard, bien qu’à cette époque je n’avais jamais rien vu ou lu de tel (je n’ai d’ailleurs toujours pas lu Un coup de dés…). À cette époque, je travaillais surtout la forme, je m’amusais, déconstruisais. Autant que la poésie, j’aimais la forme éclatée, les mots étalés sur la page blanche. Mais avec le temps, voir assez tardivement, j’ai trouvé que les blocs donnaient plus de force aux mots. Donc, outre le travail sur les mots, sur la poésie en tant que telle, la forme a été grandement remaniée au fil des ans.